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Postscriptum n°23 - Compléments sur le progrès

En relisant le paragraphe sur le progrès prévisible dans le postscriptum n°21 , il nous semble évident qu’il y manque quelque chose. Nous évoquions dans ce passage l’émergence d’une nouvelle espèce, en portant des jugements de valeur, comme s’il s’agissait d’une monstruosité. En réalité, nous touchons du doigt un point qui se trouve être au croisement entre la morale et les lois naturelles que nous reconnaissons nous mêmes comme des lois inévitables.

Dans notre analyse, nous décrivons un processus au cours duquel un groupe d’individus exploite les masses, en en aspirant pour ainsi dire la substance nécessaire à ses fins, et utilise ce que nous avons appelé le progrès, fût ce au prix de la violence et de la contrainte, pour satisfaire une pulsion irrésistible à la transformation de son état vers un nouvel état accompli, correspondant à une nouvelle espèce humaine, à l’instar de que fait le papillon quand il s'extirpe de sa chrysalide.

Les lois morales que nous avons érigées en remparts sont dans ce cas d’une application très incertaine. Et se pose ici un problème général qui concerne la nature des évolutions des êtres humains et des rapports entre les espèces existantes à un moment donné, et les espèces qui issues de ces dernières ou d’une branche collatérale, ont fini par s’imposer.

Est ce que de telles évolutions ont été pacifiques ? Et plus généralement, de tels processus peuvent-ils réellement jamais être pacifiques ? Confrontés à cette question, nous nous trouvons aussi troublés, qu’à l’époque où, dans la cour de récréation, nous défendions mordicus, animés du feu sacré, l’existence du père Noël, au milieu des quolibets de petits camarades visiblement plus dégourdis que nous. Nous avons désormais l’impression assez nette que dans les hautes sphères de notre société, bien peu de personnes croient encore aux rois mages en matière d'éthique ou de morale.

Le fait que le milieu scientifique soutienne qu’il existait d’excellents rapports de voisinage entre l’homo sapiens sapiens et l’homme de Néanderthal, et même des interférences amoureuses, nous a un peu consolés, en nous montrant à quel point les scientifiques savent parfois faire preuve d’humour. Reconnaissons en effet qu'il est très facile de leur donner raison, sans même avoir recours aux analyses ADN : il suffit de se rappeler simplement les touchants souvenirs que nos navigateurs européens revenus des Amériques ramenèrent dans leurs bagages, à commencer par la syphilis, preuve indiscutable des excellents rapports romantiques qui s’étaient établis à l’époque entre nos ancêtres et les populations sauvages.

A bien y réfléchir, la morale n’a plus de place ici, pas plus qu’elle n’aurait de place s’il nous venait la fantaisie de juger de la justesse ou de l’équité du mouvement des astres ou de la façon dont la vermine ramène à la terre les restes d’une charogne.

En réalité, il se pourrait bien que nous soyons aujourd'hui les témoins, tantôt muets, tantôt remuants, de l’émergence d’une nouvelle espèce. Et de ce point de vue, le travail de fond mené par nos élites pour s’assurer de leur place au soleil ne pourrait bien être que le résultat d’une évolution naturelle inévitable.

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