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Postscriptum n°11 - Néo-libéralisme et esclavagisme : une alliance inévitable ?

Avant propos

Dans le postscriptum précédent consacré aux deux livres de François De Closets (Toujours Plus ! et Plus encore !), nous avons qualifié de “sinistre” le chapitre de Plus encore ! consacré à “La France réactionnaire”. Dans ce chapitre, l’auteur dessine de façon crue le visage du nouveau libéralisme. Prolongeons maintenant notre réflexion dans ce nouveau postcriptum où il sera question d’Arturo Brachetti, de Michelet et de vieilles dames anglaises qui aimaient les chats.

Un des mérites des personnes intellectuellement honnêtes est de permettre à ceux qui ne partagent pas leurs thèses de puiser dans leurs analyses des arguments contraires solides.
Dans le chapitre La France réactionnaire, François De Closets développe comme toujours une analyse impeccable. Cependant, l’auteur aboutit à des thèses qui, selon nous, se prêtent à une critique de base.

En effet, nous ne sommes pas convaincus que ce nouveau libéralisme ou néo-libéralisme dont il est question s’accorde avec les principes libéraux ou avec le concept de démocratie. Nous craignons qu’en définitive il ne conduise qu’à une forme renouvelée d’esclavagisme.

Ne donnons ici aucun poids moral aux termes de démocratie, libéralisme ou esclavagisme. Contentons nous de vérifier s’il y a cohérence ou pas entre des concepts qui sont à la base – ou sont présentés comme étant à la base – d’un pays régi par un système démocratique et les processus mis en œuvre par les systèmes néo-libéraux.

La propriété privée

Historiquement, le droit à la propriété privée a marqué un fossé infranchissable entre les systèmes collectivistes ou communistes et les systèmes sur lesquels reposent depuis longtemps les démocraties occidentales.

Il ne s’agit pas là d’un argument de discussion sophistiqué entre élites intellectuelles mais d’un concept intégré dans la vie des masses. Dans les pays occidentaux comme aussi dans les pays régis par le collectivisme, d’ailleurs, le refus du droit à la propriété privée a été vécu par la majorité des individus comme une atteinte intolérable. Si un régime communiste n’a jamais pu prendre pied démocratiquement chez nous, c’est en grande partie parce que les idéologues communistes se sont obstinés à refuser aux individus le droit à la propriété privée. Mais comment définir ce concept ?

En réalité, personne ne prétend “porter sur soi” ou se “remplir” de ce qu’il considère comme sien. Dans le film la folie des grandeurs, on voit Louis De Funès tenter de suivre cette voie en dissimulant dans ses pantalons les “biens meubles” qu’on lui confisque, ce qui le transforme en montgolfière. Nous sommes ici dans la caricature. Dans les faits, ce que nous pensons posséder ne nous appartient jamais totalement. Cependant, chaque chose sur laquelle nous revendiquons un droit de propriété, fut-il minime, fait partie en quelque sorte de notre propriété privée. Cela va de nos pensées, toujours influençables et pourtant toujours nôtres, jusqu’à nos “propriétés” taxables, dont on peut nous exproprier légalement, et jusqu’à des formes de propriété collective dans lesquelles chaque individu possède quelque chose du patrimoine commun.

Les copropriétés proprement dites appartiennent à cette dernière forme, mais aussi ce que nous considérons comme “nôtre” de notre quartier, de notre ville, de l’environnement, de la planète, sans oublier ce que nous pouvons considérer comme “nôtre” dans le domaine des sentiments.

La propriété privée, prise dans un sens large, nous permet d’atteindre un équilibre, une sécurité, de satisfaire notre désir de liberté et même de revendiquer le droit au respect (la dignité).

Ce concept de propriété privée trouve ainsi une mesure dans la façon dont nous pouvons plus ou moins “influencer” notre environnement et dont nous pouvons, toujours plus ou moins, nous défendre de ce que nous ressentons comme une agression venant de cet environnement.

Si cette définition élargie de la propriété privée ne vous convient pas, résumons donc le tout en “droit à posséder quelque chose d’une façon ou d’une autre”. Cela nous va aussi.

Nous allons voir dans la suite comment ce concept de propriété privée est décliné dans sa forme néo-libérale.

Considérations sur le libéralisme et le néolibéralisme

Ici, quelques citations suffiront à planter le décor, plutôt qu'un long discours. Et commençons d’abord par Adam Smith ? Friedman? Von Hayek ? … non, commençons par Trotsky !

Que le représentant menchevik nous explique donc ce qu’il entend par travail libre et sans contrainte. Nous connaissons le travail des esclaves, nous connaissons le travail des serfs de la glèbe, nous connaissons le travail obligatoire et discipliné des corporations médiévales, nous avons connu le travail salarié que la bourgeoisie définit comme “libre”. Nous nous dirigeons maintenant vers un nouveau type de travail socialement réglementé, sur la base d’un plan économique, un travail qui est obligatoire pour tout le pays, c'est-à-dire imposé à chaque travailleur. Telle est la base du socialisme…Et une fois établi ce principe, nous reconnaissons fondamentalement, non pas formellement mais fondamentalement, le droit de l’Etat ouvrier, à envoyer chaque ouvrier et chaque ouvrière là où leur travail résultera le plus utile à la réalisation des objectifs économiques. Nous reconnaissons donc à l’Etat, à l’Etat ouvrier, le droit de punir l’ouvrier ou l’ouvrière qui refuserait d’exécuter l’ordre de l’Etat et qui ne subordonne pas sa propre volonté à celle de la classe ouvrière et à ses devoirs économiques. La militarisation du travail dans le sens profond dont j’ai parlé, constitue la méthode indispensable et fondamentale pour organiser les forces du travail…Nous savons que tout travail est un travail imposé socialement. L’homme doit travailler pour ne pas mourir. Il ne veut pas travailler. Mais l’organisation sociale l’y contraint et le pousse à coups de fouets dans cette direction.

Tretij Vserossijskij S’ezd Professional’nych Sojuzov (1920), I (Plenumy), 88-90. Avril 1920.

Pour bien comprendre cette citation de sa sainteté Léon Trotsky (curieusement rarement citée par les...trotskystes), il faut la replacer dans un contexte de danger extrême pour l’Etat bolchévique. Cependant l’ensemble du passage montre bien la pérennité et l’attachement de fond de l’auteur à ces concepts.

Pouvons nous dire de nos jours que les méthodes et les pratiques néo-libérales se justifient par une situation de danger extrême pour notre société ? Nous ne le croyons pas. Nous sommes aujourd’hui dans une situation normale.

Revenons en 2006 maintenant et puisons quelques autres citations dans le livre Plus encore ! de François de Closets.

Page 238
Les gestionnaires de [ces] fonds s’invitent au capital des grandes entreprises, et les managers découvrent des actionnaires bien différents de ces petits porteurs si discrets, de ces compagnies d’assurances si fidèles, des “zinzins” si accommodants. Les nouveaux venus sont des financiers pugnaces à la recherche d’un profit maximum, qui arrivent en position de force et qui entendent peser sur la gestion. Ils remettent en cause cette technostructure qui dédaigne ses actionnaires et imposent progressivement une gouvernance fondée sur une nouvelle hiérarchie du pouvoir. Au sommet les actionnaires propriétaires, en second rang le management à sa botte, et relégué à la base le personnel. La bonne gouvernance consiste à faire passer le profit avant toute autre considération
NDLR : Remarquons que ce nouveau type de capitalisme est un capitalisme “qui vient d’ailleurs”, une sorte de néo-colonialisme en somme. Que personne ne s’en offusque!

Page 240
L’ordre nouveau dispose de sa plus fidèle alliée, l’insécurité. Du patron qui craint pour son entreprise au salarié qui risque de perdre son job, chacun en ressent la morsure.

Le financier n’a pas supplanté le salarié en raison d’une utilité supérieure voilà bien le paradoxe. Les nouveaux maîtres n’apportent ni conseils, ni fidélité, ni sécurité, rien que des contraintes supplémentaires qui rendent la vie des entreprises plus difficile et leur avenir moins assuré.

Page 241
Les salariés, au contraire, dépendent entièrement de leur entreprise. La grève ne pèse pas lourd face aux sanctions du marché, et le chantage à la démission n’est d’aucun poids face au chantage à la délocalisation. La finance n’a pas réduit l’utilité du travail, elle a imposé un pouvoir de nuisance supérieur. Une autre version du “Toujours plus!”
Le capital financier a pris le pouvoir afin d’imposer les lois du profit. Premièrement : l’entreprise a pour seule vocation d’enrichir ses propriétaires, ce qu’on appelle pudiquement “créer de la valeur pour l’actionnaire”. Elle n’a pas à se soucier de considérations locales, écologiques ou sociales, elle doit privilégier la rémunération du capital et non pas celle du travail.
……
Troisième point : cette rentabilité s’apprécie aujourd’hui et maintenant, pas dans le futur. La finance ne veut prendre aucun risque, elle évalue sur six mois, pas davantage. La gestion doit se penser dans cet horizon extraordinairement limité, un horizon qui finit par l’asphyxier. L’entreprise, elle, vit dans la durée. Elle doit toujours privilégier l’avenir en misant sur l’investissement, qui réduit les profits du jour pour assurer ceux du lendemain. Mais cette loi de l’entrepreneur n’est pas celle du financier. Pour ce dernier, seul compte le rendement à court terme. Peu importe que cette cupidité se révèle destructrice par la suite. L’actionnaire ne sera plus là lorsque le surpâturage aura stérilisé la prairie.

Page 242
L’hyper-rentabilité suppose l’hyper-productivité, qui exige tout à la fois des rémunérations plus basses et des rendements les plus élevés. Les travailleurs risquent de renâcler, qu’importe! Le système a troqué la carotte pour le bâton. La précarité et l’insécurité se chargeront de les mettre au pas. Car l’espoir des “relations humaines” a vécu.

Page 243
La souveraineté des Etats tient à leur monopole. Le libéralisme mondialisé les met en concurrence. Les entreprises les jugent, les jaugent et se donnent aux mieux-disants. Les gouvernements ne sont plus des maîtres dictant leur loi, mais des boutiquiers faisant la retape pour attirer et retenir la clientèle.

Page 244
Cette “révolution” capitaliste est aussi une restauration. Nous voici revenus au XIXème siècle, à l’origine de la révolution industrielle! Les premières entreprises devaient assurer la fortune du patron-roi, tout à la fois créateur, propriétaire et manager. Face à lui, le travailleur proposait une marchandise comme les autres, son travail, dont la valeur jouait comme variable d’ajustement. Il fallait l’abaisser, valeur absolue ou relative, si l’on voulait, maintenir les profits à la hausse. On ne parlait pas alors de “conditions de travail”, le travail se faisait sans conditions. Il se trouvait toujours des remplaçants éventuels pour prendre la place des mécontents. Les taux de profits étaient énormes, et l’enrichissement était très rapide.
NDLR : petite objection: les capitalistes mentionnés dans ce passage étaient presque toujours “nationaux”. La comparaison devrait plutôt être faite avec certains procédés colonialistes de certains Etats libéraux d’antan, dans lesquels les patrons ne se limitaient pas à utiliser le bâton mais avaient souvent recours aussi, tout naturellement, au fusil et au canon.

Page 250
Or le capitalisme se fixe un objectif tout différent : dégager du profit. Un objectif qu’il peut même atteindre sans production et sans travailleurs, rien qu’en jouant sur les prix à l’achat et à la revente. Cela s’appelle l’intermédiation, voire la spéculation, et cela peut rapporter gros. Un investisseur n'a pas vocation à devenir employeur, il n’engage des salariés qu’à seule fin de dégager des bénéfices. Le travail est un coût qui, comme tous les autres, doit être réduit. Et le maladroit qui s’en désintéresse se fait chiper ses marchés par ses concurrents.
Eh oui! Le capitalisme libéral fait de l’emploi un sous-produit de l’économie et, loin de se battre pour occuper le plus de monde possible, il s’efforce d’accroître sa productivité, c’est-à-dire de réduire son personnel.

Page 256
Le capitalisme libéral est tout sauf une civilisation. Il propose des moyens et se soucie peu des finalités. Il ne sait pas où il va et peut même aller dans le mur lorsqu’il enrichit les riches en oubliant les pauvres. C’est au politique qu’il revient logiquement de se préoccuper des valeurs. À lui d’utiliser l’économie pour ce qu’elle est, un système qui produit les richesses, de donner du sens et de dégager des finalités. Un schéma théorique bien difficile à mettre en oeuvre dans la réalité.
NDLR : Et pourtant, malgré tout, nous pensons que le néo-libéralisme a bel et bien toutes les caractéristiques d’une “néo-civilisation”, à sa façon, bien entendu.

AVERTISSEMENT DES AUTEURS
Ces extraits du livre de FDC ne signifient pas à notre avis que l’auteur prenne fait et cause pour cet “ordre nouveau” : il s’agit d’un constat et nous pensons ne pas trahir la pensée de FDC en disant qu'il considère cette situation non pas comme souhaitable mais comme inévitable, imposée naturellement, et avec laquelle il faut compter.

Appuyons nous maintenant sur ces citations pour tenter de cerner la situation du travailleur du secteur privé sans privilèges dans le nouvel ordre néo libéral.

Néo-libéralisme ou ordre nouveau. Quelle idée nous faisons nous de l'Etat libéral ?

Nous ne sommes pas des experts en sociologie mais dans notre esprit, le libéralisme ne peut pas se réduire au seul concept de la liberté d’entreprendre. Nous pensons que l’Etat libéral, par opposition aux régimes qui l’ont précédé, se proposait de garantir une plus grande liberté, instruction, dignité, à tous et pas seulement à quelques catégories privilégiées.
Là où les Etats libéraux manquaient à leurs principes, c’était lorsque, sortant de leurs frontières, ils appliquaient des politiques prévaricatrices et prédatrices.
Une des prérogatives, ou pour mieux dire, des ambitions théoriques des Etats libéraux était la certitude du droit, avec pour conséquence l’idée que la “loi est la même pour tous” ou que “tous sont égaux devant la loi”.

Le néo-libéralisme selon François de Closets

Autant mettre les pieds dans le plat tout de suite: selon nous, le néo libéralisme ne retient pas grand chose des idéaux libéraux d’antan.

De l’ensemble des citations reportées plus haut, il ne fait aucun doute que le néo-libéralisme n’est rien d’autre qu’une forme renouvelée de l’esclavagisme. Aucune connotation morale dans cette observation : il s’agit d’un constat.

Pour se rafraîchir la mémoire, peut-être faudrait-il réétudier les méthodes du célèbre Jan Pieterszoon Coen, trop peu loué gouverneur des Indes hollandaises. En matière de profit, de délocalisation, de petites carottes et d’énormes bâtons, l’excellent Jan Pieterszoon pourrait enseigner encore bien des choses aux tenants du néo libéralisme.

Par simple respect de la vérité historico-financière, il faut lui reconnaître qu’il ne se limitait pas à délocaliser des activités (plantations, fabriques, etc...). Quand les lois du profit l’exigeaient, il délocalisait aussi des populations, parfois de façon définitive d’ailleurs en les expédiant directement vers l’autre monde.

De façon générale, si l’on examine les méthodes et les objectifs des colonialistes anglais et surtout hollandais, tels qu’ils ont été mis en œuvre en Asie, on peut dire que les néo libéraux n’ont rien inventé. On nous objectera que les néo libéraux n’utilisent pas le canon : pas encore, sans doute ; mais l’histoire nous enseigne que les intérêts financiers, quand ils sont “purs” et libres de toute considération morale, conduisent toujours à faire usage de la force la plus brutale si le “profit” l’exige.
(NOTA : Pour ceux qui voudraient mieux connaitre les méthodes coloniales appliquées en Asie voir : K.M. Panikkar : L'Asie et la domination occidentale - Edition: SEUIL 1956)

Que devient alors le droit à la propriété privée des travailleurs dans ce nouvel ordre néo libéral ?

Une coquille vide, ni plus ni moins.

Il est évident que ce droit est nié au travailleur dans la pratique. Ce dernier n’a pas voix au chapitre là où il travaille, il n’a aucune sécurité quant à ses biens, son lieu de travail, ses relations, et même sa vie affective peut être mise à mal du jour au lendemain. Le rêve trotskyste semble être devenu réalité.

Tragique ironie du sort : ces masses qui chez nous pendant des décennies ont repoussé démocratiquement les ambitions des communistes dans leur montée au pouvoir, en refusant de renoncer au sacro-saint droit à la propriété privée, se retrouvent aujourd’hui dépossédées de ce droit au nom du sacro-saint profit : on leur montre maintenant le bâton et elles devraient se demander désormais où la carotte a bien pu passer.

Pire encore ! Nous assistons à un retour en force de l’extrémisme de gauche, “tempéré” par des pratiques néo libérales. Nous sommes cernés !

L'Etat démocratique à la sauce néo-libérale

Constatons d’abord qu’une bonne partie de ce qui constitue le noyau de la propriété privée du travailleur (dans sa définition élargie) ne se prête pas à une codification, à une réglementation ou à une traduction sous forme d’articles de loi. Comment pourrait-on traduire juridiquement le droit de posséder une parcelle de l’environnement dans lequel on vit ? Sur quel droit reconnaissable pourrait on s’appuyer pour dédommager le fait d’être dépossédé de son quartier, de sa cité, de son pays ? Aucune possibilité législative. Dans un Etat démocratique, tout ceci fait partie d’un ressenti commun, d’habitudes, de coutumes et jamais de lois. Une fois éliminés les coutumes, le patrimoine commun, les habitudes, il reste bien peu, voire rien, aux travailleurs.

Le financier, au contraire, entre en scène, bardé de lois nationales et internationales, soutenu par une myriade d’instituts et d’organismes souvent dotés de pouvoirs législatifs, prêts à voler à son secours si quelqu’un ose s’opposer à ses “droits”. Dans cette phase, le néo libéral se présente d’abord comme un législateur, ensuite comme un avocat pratiquant les effets de toges et enfin comme un juge, solennel perruqué et poudré.

Rien de plus ? Peut-être pas. Il y a quelque temps, on avançait dans certains milieux néo libéraux que la souveraineté d’un Etat ne devrait pas s’étendre à la possession des ressources hydrauliques, ressources qui devraient être considérées comme “un bien de l’humanité” (regardez donc où va se nicher la sensibilité humanitaire parfois !). Toujours dans ces milieux on exposait ainsi qu’un Etat devrait avoir le droit de s’approprier les ressources hydrauliques d’un autre Etat sans, bien entendu, donner quoi que ce soit en échange, surtout pas de technologie par exemple ou de connaissances scientifiques. Ici le législateur-avocat-juge poudré néo libéral polymorphe et transformiste change de costumes et se transforme en un clin d’œil en capitaine crochet sournois et agressif brandissant un sabre rutilant. Disons le, face à un tel numéro, Arturo Brachetti n’a qu’à bien se tenir !

Michelet écrivit en son temps une œuvre consacrée à l’histoire de la République Romaine. Dans un chapitre très intéressant, qui devrait être étudié par les néo libéraux, Michelet explique comment Rome, pour écraser définitivement Carthage, utilisa largement ce transformisme, ou mélange hybride, où l’on admire à l’œuvre tour à tour le législateur pointilleux, l’avocat “causidicus”, le juge inflexible et pour finir l’agresseur sans scrupules.

Un état dans lequel domine la pratique néo libérale ne peut pas être démocratique. Il s’agit d’un Etat divisé en castes, liées non pas tant à des origines ethniques mais à des privilèges et au pouvoir financier.

Tout en bas de l’échelle se trouve le travailleur esclave, au dessus de lui le citoyen libre inséré dans une corporation et enfin en haut trône celui qui dicte la loi parce qu’il détient le pouvoir financier.
A ce tableau on peut ajouter si on veut les dirigeants, esclaves esclavagistes, nobles déchus de l'ancien monde du travail, réduits au rôle d'intermédiaires, comme cela se passait déjà dans l'empire colonial hollandais, notamment à Java.

En marge de ces populations, évolue aussi une catégorie de hors classe constituée d’individus qui ne pouvant s’assimiler au marché du travail selon les normes et pratiques néo-libérales, mais disposant d’un pouvoir de nuisance, peuvent prétendre au “panem et circenses”, comme cela fut le cas à l’époque des romains. Cette catégorie tolérée par le financier dominateur nourrit en quelque sorte sa bonne conscience en le maquillant d'un vernis “d’humanité”. Pour eux, notre néolibéral polymorphe et transformiste se comporte un peu comme ces vieilles dames anglaises sans concession aucune pour l’humanité mais tendres et tolérantes pour leurs vieux chats incontinents qui pissent partout chez les voisins.

Les alliés objectifs des néo-libéraux : les gauchistes

Les gauchistes d’appellation vraiment contrôlée partagent l’idée plus ou moins explicite que l’Etat “bourgeois” est un ennemi à abattre et que la petite bourgeoisie est un serviteur de cet ennemi, et ce sans tenir le moindre compte du fait que la petite bourgeoisie est désormais la classe travailleuse majoritaire en France et dans bien d’autres pays européens. Ce faisant, nos “gauchisants sinistroïdes” obtiennent le fabuleux résultat de diviser les travailleurs.

Ce résultat est déjà remarquable en soi, mais il font encore mieux : en désignant l’Etat comme un ennemi du peuple, et en particulier des travailleurs, nos “gauchisants sinistroïdes” le dépossèdent de son bien, car dans un Etat démocratique, l’Etat doit être et ne peut pas être autre chose que la propriété des citoyens. En clair, le simple fait de considérer que l’Etat doit être pris d’assaut par le peuple présente comme un acte révolutionnaire ce qui ne devrait être que la simple affirmation d’un droit indiscutable.
Armés de ces magistrales théories, nos gauchisants sinistroïdes offrent comme sur un plateau et en un seul coup aux néo libéraux une masse de travailleurs divisée et “pantalons baissés”: un vrai bonheur pour les néo libéraux !

Quant à ceux qui —tout en distribuant des leçons de générosité à la douzaine — jouissent de privilèges corporatistes, il est évident qu'en se barricadant dans des citadelles dont les autres travailleurs sont exclus, ils mettent de fait ces derniers à la disposition de ceux qui les veulent “corvéables à merci ”.

Dans ce contexte, il va de soi que les déclarations “utopisto-démagogiques” des représentants de ces corporations privilégiées en faveur des “exclus” et autres déclarations de bon aloi salivantes et baveuses à souhait ne devraient bientôt tromper plus grand monde.

Que faire ?

Comme d’habitude, nous n’avons aucune suggestion à faire. A notre résolution constante de ne proposer aucune “solution” à dix sous la livre, s’ajoute dans ce cas la triste impression qu’il est sans doute déjà trop tard.

De l’analyse de FDC demeure l’impression amère que les ressources nécessaires pour conduire une politique s’opposant au néo-libéralisme ont été largement gaspillées par le passé et que le recours à ces financiers venus d’ailleurs est devenu inévitable : nous nous trouvons en somme dans la situation de ces individus qui d’une condition libre se trouvaient autrefois réduits à l’esclavage à cause de dettes non remboursées. Souhaitons seulement que le destin nous protégera des néo-Karl Marx et néo-soixanthuitards déchaînés. Il serait trop cruel d’ajouter ce nouveau malheur à ceux qui nous guettent déjà !

Petite remarque en conclusion

Certains pourraient penser que nous dérivons résolument en nous éloignant de plus en plus du thème initial du site. Nous avons la naïveté de penser que nos lecteurs, s'ils n’ont pas un trop grand nez (voir Erasme), trouveront peut être plus de cohérence dans notre travail qu’il n’y parait à première vue.
Le fait est que, dans un mélange de sombre pessimisme et d’espoir naïf, nous nous laissons guider par la main par notre amour de la liberté...La liberté, ce magnifique cadeau des dieux dont tout être rationnel devrait jouir et que personne ne devrait avoir le droit d’enchaîner ou d’entraver.

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