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Postscriptum n°13 - Vive la dette publique ! S'endetter ou ne pas s'endetter ? telle est la question.

“Quos interim natura cum suis coniecturis magnifice ridet. Nam nihil apud illos esse comperti, vel illud satis magnum est argumentum, quod singulis de rebus inexplicabilis inter ipsos est digladiatio. Ii cum nihil omnino sciant, tamen omnia se scire profitentur, cumque seip­sos ignorent neque fossam aliquoties aut saxum obvium videant....” Erasme de Rotterdam - Eloge de la folie.

S'endetter ou ne pas s'endetter ?

Ces derniers temps il est à la mode de parler de la dette publique. La masse, dont font partie les auteurs de ce site, perçoit assez mal ce que cache cette montagne de dettes (plus de 1000 milliards d’euros, soit 41000 euros par ménage français, soit plus de 60% du PIB).

Cependant, des professionnels de la science économique se sont chargés de nous éclairer sur ce brûlant sujet. Nous nous reconnaissons ignorants en la matière et nous sommes référés aux deux publications suivantes :

  • D’un côté, le rapport Pébereau : DES FINANCES PUBLIQUES AU SERVICE DE NOTRE AVENIR. Rompre avec la facilité de la dette publique pour renforcer notre croissance économique et notre cohésion sociale. 136 pages, une masse considérable d’informations ayant le mérite entre autres d’expliciter les agrégats utilisés dans le document suivant et d’autopsier en détail l’évolution de l’endettement du pays.
  • De l’autre, la lettre de l’OFCE n° 271 du 13/01/2006 de Messieurs Créel et Sterdyniak. Faut-il réduire la dette publique ? 4 pages beaucoup plus concises et du coup plus “succinctes” dans l’explicitation des agrégats, termes employés et arguments avancés.

Hélas ! Trois fois hélas !!! Ces “professionnels” ne sont pas d’accord entre eux: Tandis que le rapport Pébereau attribue l’accroissement de la dette au cours des 25 dernières années à un recours trop facile à l’endettement plutôt qu’à une gestion saine des finances publiques, faisant de notre pays un champion à la fois de l’endettement et des prélèvements obligatoires, la lettre de l’OFCE, comme l’indique son titre, ne condamne pas l’utilisation de la dette publique et semble même lui accorder des vertus salvatrices.

Bien sûr nous pourrions nous forger une opinion personnelle sur le sujet, même si tout, dans cette matière, nous parait abrupt et compliqué, mais, il faut le dire, les jambes nous flageolent à l’idée de prendre parti pour l’un ou l’autre de ces auteurs éminents et incontestables, pauvres ignorants que nous sommes ! Et nous, qui avons approché en frémissant nos lèvres respectueuses à la noble source du savoir économique, risquons maintenant de mourir de déshydratation aiguë. Que faut-il en penser vraiment ?

Tenons nous en pour le moment aux écrits. Pour ce qui concerne la lettre n° 271 de l’OFCE, il nous semble avoir compris que si l’Etat n’avait pas recours à la dette, ce serait un désastre! Plus il y a de dette, nous explique-t-on, plus il y a de justice sociale et de bien être.

Pourtant ici et là nous rencontrons quelques difficultés de compréhension. Ainsi en est-il du passage consacré à “L’inexorable comptabilité de la dette” p.2: les illustres auteurs nous y expliquent que “Toutes choses égales par ailleurs, si la France avait une dette nulle qu’elle souhaitait maintenir, le gain en terme de marge de manoeuvre budgétaire ne serait que de 0,15 % du PIB par rapport à la situation actuelle.

Forts de cette explication et conscients des pouvoirs salvateurs de la dette, ayant rencontré sur la voie de Damas la lettre bénite de l’OFCE, nous avons donc décidé de nous endetter, alors que nous avions fait preuve jusqu’à présent d’une incommensurable stupidité en ne le faisant pas, et nous avons résolu de nous endetter sagement à hauteur de 60% de nos revenus en l’espace d’un an.

Ce faisant, nous sommes bien obligés de constater que c'est précisément l'absence de dette initiale qui nous permet une marge de manoeuvre royale de carrément 60%, en fait quatre cent fois plus que les misérables 0,15% avancés par les auteurs de la lettre, partisans de la dette “stabilisatrice”. C'est une simple question de bon sens : quand on n’a pas de dettes on peut s’endetter à bon escient, tandis que, si on a des énormes dettes il faut faire preuve…d’au moins 0,15% d’imagination. Après cet “exploit” annuel, nous pourrions d'ailleurs persévérer sur les années suivantes comme nous y encouragent les judicieuses recettes suggérées dans la “lettre”.

C’est ce que nous a d’ailleurs confirmé notre ami Raymond, paysan éleveur dans la campagne profonde, qui une fois interrogé, nous a répondu en crachant son mégot : “ Ben voui, cré nom de nom, c’est ben sûr que si j’a pas de dette du tout, c’est plus facile que j’mendette beaucoup que si j’en a déjà un gros paquet sul’dos….! Sinon qu’est ce que j’vas radoter à mon banquier !”
En somme, quand on n’a pas de dettes on dispose naturellement d'une marge de manœuvre autrement plus grande que quand on a déjà une dette consistante, surtout si cette dette ne cesse d’augmenter pour financer en grande partie des frais courants et non des investissements.

Dans un autre passage de la lettre, nous trouvons aussi cette affirmation remarquable “Mais l’État n’est pas un ménage. Immortel, il peut avoir une dette en permanence, il n’a pas à la rembourser”. En tant que non initiés, nous avons pris cette affirmation à la lettre, sauf à ce qu'elle contienne une subtilité qui nous échappe dans le langage savant des économistes. Or il nous semble pourtant à nous, pauvres ignorants que nous sommes, que l’argent de la dette représente des “biens” (saucissons, jambons, fromages, et tutti quanti...) que quelqu’un doit bien avoir produit en transpirant. Tout cela a été englouti et digéré. Mais, nous disent les auteurs, l’Etat peut se permettre de ne pas rembourser. Très bien, mais qui va rembourser alors ? Les riches ? Nous savons fort bien qu’à la seule menace de devoir payer, ils partent ailleurs, loin, très loin du théâtre des opérations (...et par pitié que les démagogues de service s'abstiennent de nous resservir le plat réchauffé du “yakafokonférpéyélérich” ou du "yakafokombatlévasionfiscale"...).

Les travailleurs, alors ? Non, semblent nous dire les auteurs, car plus l’Etat a de dettes plus ils sont heureux. Il ne nous reste donc qu’une possibilité: des gens, dans des pays lointains, peut être en voie de développement “durable”, ont travaillé pour nous et nous les exploitons allégrement et “progressistiquement”. Quelle belle leçon de solidaire “humanistitude” !!!

Evidemment, nous sommes tout à fait conscients de faire preuve d’une lamentable “effrontitude”, armés d’objections si mesquines, mais nous avions besoin de cracher le morceau.

Le rapport Pébereau nous a paru un peu plus compréhensible (pas tout bien sûr !!) tout en répondant d'ailleurs à un certain nombre des arguments avancés par la lettre de l'OFCE ; mais, il faut l'avouer, depuis que nous nous sommes occupés de néo-libéralisme et d’intégration (voir postscriptums 11 et 12), nous nous méfions comme de la peste des théories économiques de gauche, de droite, ou de centre…A noter au passage que pour se réclamer du centre il faut désormais avoir reçu un label de qualité délivré par une autorité dotée des pouvoirs nécessaires. A défaut, on risque de ne rien représenter du tout. C’est une question de démocratie “bien ordonnée”.
Dans la même logique d’ailleurs, certains esprits éclairés pensent que pour dispenser démocratiquement la culture aux masses il serait opportun de fixer l’histoire de l’humanité par voie législative: quel gain de temps vraiment ! Au lieu d’en perdre à se documenter et à confronter les sources, les citoyens n’auraient plus qu’à consulter le journal officiel pour apprendre l’histoire. Soyons démocratiques, donc, mais dans l’ordre ! Ce qui implique nécessairement le vote de lois définissant ce qui est bien et ce qui est mal, ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, ce qu’il faut penser et ce qu’il faut réfuter, toutes lois établies par des personnes éclairées et “constitutionnellement” au dessus de la mêlée bien sûr !

Cette méga-dette a-t-elle profité aux travailleurs ?

Pour revenir aux problèmes qui nous guettent de plus près, si nous comparons la situation des travailleurs du privé dans les années soixante et dans le nouveau siècle, quels ont été les acquis sociaux réels ?

On nous explique aujourd’hui sans ciller qu’un individu gagnant plus de 4000 euros par mois est presque un nabab digne du traitement fiscal le plus rigoureux. Or en 1968, 4000 euro actuels valaient, dans les faits, à peu près 3400 francs. Un pareil salaire aurait été considéré comme un bon salaire, certes, mais sûrement pas comme un salaire de nabab.

Pour ce qui est de la sécurité de l’emploi, pas de comparaison possible : à l’époque la sécurité de l’emploi était la règle, aujourd’hui les travailleurs, même les plus bardés de diplômes se retrouvent sur des sièges éjectables dès que flotte le plus ténu parfum d’optimisation du profit sur le plan planétaire.

A l’époque il fallait compter sur les syndicats, très forts dans le secteur privé. Aujourd’hui Diogène aurait du mal à découvrir l’utilité réelle des syndicats dans le privé.

Tout le monde s’accorde sur le fait que les riches sont toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres. De plus on constate que bon nombre de riches partent à l’étranger dès qu’on les menace de devoir payer. Or la “lettre” de l’OFCE nous apprend qu’une bonne partie de la dette est dans les mains d’un petit nombre de nantis qu’il faudrait imposer. Mais, si tout le monde s’accorde sur le fait que ces nantis, menacés de payer, partiraient de toutes façons à l’étranger, s’imaginer qu’ils accepteraient d’être imposés relève du Wishful thinking !

Il est donc évident que nous avons tout au long de ces années (les travailleurs s’entend) avancé comme des crabes :…à reculons. Et ce n’est pas un hasard si 3 français sur 4 estiment que la vie de leurs enfants sera plus difficile que la leur.

Une fois établi, donc, que les travailleurs seraient une fois de plus, une fois encore et comme à l’accoutumée, les payeurs des pots cassés, on peut se poser la question de savoir à quoi diable aura servi le fait de s’endetter à des hauteurs astronomiques. A qui cela a-t-il profité ? Certainement pas aux travailleurs dont le niveau de vie et la sécurité de l’emploi n’ont fait que se dégrader tout au long des années et qui, de plus, sont menacés de payer les erreurs des uns et des autres.

Il doit y avoir un trou dans la baignoire, sûrement ! Au vu des excellents résultats obtenus en quelques décennies par cette masse de professionnels des finances, d’hommes politiques chevronnés et d’idéologues de tous bords (et changeant de bord au gré des vents), il nous semble que le pays aurait plus besoin de bons plombiers capables de colmater les fuites que d’éminents personnages occupés à “gérer les émoluments publics” (Manzoni).

PS : Allez savoir pourquoi, nous éprouvons le besoin de parler ici de la dernière lettre écrite par un jeune homme de 17 ans que nous avons découverte récemment. Il s'appelait Guy Môquet. Cette dernière lettre est trop belle pour que nous la profanions sur notre site ou pour en tirer un quelconque avantage. Nous refusons même de donner un lien au lecteur: que ceux qui veulent la lire fassent un petit effort de recherche pour la mériter. Guy Môquet était un jeune militant, communiste des racines des cheveux à la pointe des pieds. Nous refusons de pareilles idéologies. Mais par respect pour la mémoire de ce jeune, nous refusons aussi de saucissonner ses idéaux pour nous approprier ce qui nous arrange, au profit de nos petits intérêts. Il était communiste, patriote, et il est mort pour son pays et pour ses idéaux. Voilà tout.

PS : On est bien forcés de s'inquiéter en pensant à la façon dont certains professeurs progressistes présenteront la lecture rendue obligatoire de cette lettre à un aréopage de jeunes, dont certains n'ont plus qu'une sorte de mayonnaise à la place du cerveau, grâce aux efforts conjugués de cette espèce particulière d'enseignants néoliberalo-pseudo-socialo-hypocrito-humanitaro-progressisto-trostskysto-unpetitpeuracistes-unbrinesclavagistes-et troisfoisrien élitistes....

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