Addendum aux projets pathologiques

Sommaire

Site “les projets pathologiques” (mars 2001)

OBSERVATIONS SUR LA SOUFFRANCE AU TRAVAIL

Avertissement !
Le texte qui suit contient des doses massives de produits "politiquement incorrects". Si parmi les lecteurs figurent des personnes éduquées dans le respect de la pensée unique et qui voudraient néanmoins poursuivre cette lecture, nous leur recommandons de se munir d'antihistaminiques puissants au préalable. Dans tous les cas, nous remercions et félicitons à l'avance tous ceux qui parviendront à lire cette page jusqu'au bout.

Nous avons souligné dans l'épisode précédent le peu d'intérêt des spécialistes et des universitaires pour le sujet de ce site. Il est d'autres domaines dans lesquels ils s'engouffrent comme un seul homme, parfois sur des effets de mode dont certains nous viennent tout droit (bien entendu)...des Etats-Unis ...Il vous est sans doute arrivé ces dernières années de feuilleter les revues à disposition dans les salles d'attentes des cabinets médicaux ; et neuf fois sur dix vous avez dû tomber sur un article traitant de problèmes liés aux accidents du travail (et hypothèses annexes pour en expliquer l'augmentation), au harcèlement sexuel ou moral, au travail des enfants, ou encore au mobbing (version anglosaxonne du harcèlement moral)...autant de réalités importantes qui méritent sans conteste des études sérieuses. Pourtant, certaines d'entre elles sont traitées chez nous à la "sauce européenne"

La compassion sélective des spécialistes
La petite-bourgeoisie : race inférieure et négligeable
Petit détour dans le crâne d'un intellectuel
Les souffrances dignes de considération
Ces souffrances sans intérêt...
Une exception culturelle : les surfeurs
Société saine et société malade

LA COMPASSION SELECTIVE DES SPECIALISTES

Quand on parle de stress ou de souffrance au travail en Europe, on insiste particulièrement sur le stress ou la souffrance des ouvriers, des agents ou des techniciens, c'est à dire de ces travailleurs auxquels les spécialistes (psychologues du travail par exemple) attribuent un niveau d'autonomie professionnelle limité. Le stress subi par les cadres et en général par les individus qui développent un travail dit “conceptuel” (toujours selon l'échelle de valeurs de ces mêmes spécialistes) est plutôt abordé pour ainsi dire “en passant”. Il n'est pas question de démontrer ici que personne n'a jamais traité le stress des cadres; nous nous contentons de constater que statistiquement les écrits et articles lus l'approfondissent rarement.

Les professeurs de psychologie du travail, vous donneront ainsi dans leurs cours de nombreux exemples d'études réalisées auprès de personnel hospitalier (infirmières, surveillantes), d'ouvriers du bâtiment, d'agents des transports publics ou de techniciens et employés de l'industrie. A l'opposé de l'échelle sociale telle que la conçoivent ces mêmes spécialistes, quelques exemples vous seront cités sur les cadres supérieurs. Mais entre le personnel "exécutant" couvert en priorité et le cadre dirigeant dont on admet qu'il puisse souffrir du stress lié à ses hautes responsabilités, se déploie un paysage social beaucoup plus opaque que ces professeurs semblent ignorer.

Cette tendance à limiter la géographie de la souffrance à des catégories de travailleurs bien ciblées prend racine dans un courant idéologique dominant qui accorde à certaines couches de la population un moindre droit à la compassion et de nombreux devoirs.

LA PETITE BOURGEOISIE : RACE INFERIEURE ET NEGLIGEABLE

Les hommes et les femmes qui dans nos sociétés - tout en ayant des pouvoirs limités - ont des responsabilités illimitées, appartiennent de nos jours à cette classe sociale qui porte le nom de “petite bourgeoisie”. Bien qu'elle constitue la majorité de la population, cette classe ne représente dans l'idéologie dominante de nos régions qu'une entité négative.

Cette appréciation héritée directement des régimes de droite et de gauche qui dans le passé ont toujours et avec persévérance classé la petite-bourgeoisie au rang de race inférieure (voir les écrits de Julius Evola) s'exprime aujourd'hui fréquemment par la bouche de ceux qu'il est convenu d'appeler “les intellectuels”, dignes représentants de l'idéologie dominante.

Un trait de caractère propre à la petite bourgeoisie donne une très bonne mesure du mépris qui lui est généralement accordé : le “petit-bourgeois” lui-même ne se reconnaîtra jamais comme tel, parce qu'il est éduqué dès sa plus tendre enfance à mépriser sa classe d'appartenance...Une observation de la petite bourgeoisie programmée à l'auto-mépris offre ainsi des effets très comiques, comme cette enseignante “petite bourgeoise” (et oui !) déclarant d'un ton solennel son horreur des petits bourgeois sous prétexte qu'elle est au contraire, elle, “une intellectuelle” (parfaitement, môssieu !).

Une autre caractéristique de la petite-bourgeoisie est que ses membres aspirent très souvent à s'élever dans l'échelle sociale, ce qui lui est souvent reproché, comme si le simple fait d'appartenir à cette couche sociale devait condamner d'office toute tentative d'évolution. Cette aspiration naturelle à travailler et à progresser de la petite bourgeoisie n'a évidemment rien de prémédité ni de subversivement révolutionnaire mais dans ces milieux qui se disent progressistes (dans les mots) et sont extrêmement conservateurs dans les faits, on est attaché à des hiérarchies et à des classifications sociales bien définies et on apprécie mal de les voir “transgresser”.

Parallèlement, la petite bourgeoisie est accusée abondamment de tous les crimes commis ces deux derniers siècles. L'intellectuel le plus démuni saura vous réciter par coeur les péchés et les turpitudes abominables de cette classe méprisable, égoïste et odieuse.

Enfin, dans nos contrées, cette classe sociale est copieusement imposée, taxée et responsabilisée à tel point qu'on peut se demander si ne grandit pas en elle une lassitude larvée proche du suicide : elle semble craindre l'avenir et fait de moins en moins d'enfants. Cette situation, dramatique en soi, est systématiquement ignorée des mass media, soigneusement minimisée par les “intellectuels” et camouflée de toutes les façons possibles.

Nous voilà donc en présence d'une classe majoritaire en nombre, chargée de responsabilités qu'on lui rappelle à toute occasion et qui n'existe pas ou plutôt qui n'existe qu'en négatif ou comme objet privilégié d'accusation et de dérision. Voilà une classe en somme si dépourvue d'identité sociale, y compris aux yeux de ses propres membres, qu'elle disparaît même dans le langage courant pour se fondre dans le terme parfaitement flou et insignifiant de “classes moyennes”. Le dominé est toujours invisible aux yeux du dominant. Demandez vous alors par quel miracle une classe inexistante aux yeux de tous pourrait être vraiment représentée politiquement... qui pourrait bien aspirer à représenter le vide ou le silence ?

Pourtant si le petit bourgeois préfère ignorer qu'il en est un, ceux qui le dominent, eux, le savent parfaitement et profitent de l'aubaine avec délectation.

PETIT DETOUR DANS LE CRANE D'UN INTELLECTUEL

En traitant de Thermidor, un historien disait qu'on ne pouvait pas s'exempter d'étudier des évènements historiques sous prétexte qu'ils suscitent de la répugnance. C'est dans cet état d'esprit que nous allons devoir aborder maintenant le milieu select et huppé de cette caste d'individus qui se définissent eux mêmes comme des “intellectuels”. Nous y sommes forcés parce qu'ils sont les meilleurs représentants de l'idéologie dominante.

Si vous pensez naïvement que quiconque utilise son cerveau fait un travail intellectuel, jetez vos illusions aux oubliettes ! De nos jours, n'est pas intellectuel qui veut et tout le monde n'est pas autorisé à le faire savoir. Pour reprendre Coluche, il y a les milieux autorisés à penser et les autres ...De même qu'il y a des maçons, des ingénieurs, des électriciens, ou des instituteurs, il existe dans nos contrées des gens qui s'affichent très sérieusement sous le titre “d'intellectuels”, et croyez le ou non, ça ne fait rire personne ...

Mais d'abord, où trouver un intellectuel ? si vous en manquez dans votre entourage, allumez simplement la télé : vous aurez huit chances sur dix de tomber sur l'intellectuel en poste ce jour là, de ces intellos qui écument les plateaux télé et sont toujours disposés à faire étalage de leurs inépuisables ressources en solidarité (hum) et humanitarisme (hum, hum ...), surtout lorsqu'il s'agit des ressources des autres.

Observez le bien alors votre “intellectuel multimédia du jour”, calé dans un fauteuil gagné à la sueur de sa langue, péter en direct sa dernière pensée creuse ou bien, la bouche pleine de solidarité, roter d'un air pensif le dernier renvoi d'humanitarisme gazeux qui lui titille le diaphragme : “Mr Bidule, vous êtes donc un intellectuel ...” lancera le présentateur homologué sur un ton compassé. Et l'autre, torse droit, yeux levés, air inspiré et sourcil en arrêt “voui” (qu'y répondra du bout des lèvres) et d'enchaîner en logorrhée mots creux, idéaux en soldes et vide pneumatique ...tout en songeant in pectore qu'il doit aller faire pisser son chien en rentrant le soir.

Entre deux renvois, l'intellectuel multimédia humanitaire (hum) et solidaire (hum hum ...) appellera avec passion à la mobilisation sur les grandes valeurs qu'il aura prises en bains de bouche dès le matin (contre ses aphtes) et d'un gargarisme à l'autre crachera en passant le laïus réglementaire sur la petite bourgeoisie prévu dans son script communicationnel. Petit florilège :

“Il est temps que notre mouvement abandonne ses positions petites-bourgeoises” : attention : la position de la bouche doit exprimer le mépris dans le jeu d'acteur ;

“Cette frilosité petite-bourgeoise est la marque d'un esprit rétrograde” : ici rehausser le mouvement de la bouche d'un ton professoral un peu marqué et décorer le discours de quelques mots kitsch comme “créatif”, “innovant” ou “imaginatif” ;

“Quelle absurde petite mentalité petite-bourgeoise”. Alors là c'est le KO final, mouvement de la bouche + ton professoral solennel + deux fois l'adjectif petit en marquant bien les explosives SVP : l'intellectuel humanitaire (hum...) et solidaire (hum hum...) vient de donner ce qu'il a de meilleur.

Ah Germaine, Germaine, mais change donc de chaîne! Ah Coluche et Guareschi comme vous nous manquez pour tirer le portrait à ces gens qui prétendent sans rire penser à notre place !

LES SOUFFRANCES DIGNES DE CONSIDERATION

Nous voilà maintenant confrontés à un problème de pure logique que seul un intellectuel peut résoudre : un membre de la petite bourgeoisie, classe que tout le monde s'accorde à définir comme une entité purement négative, peut-il souffrir ? La seule réponse cartésienne intellectuellement acceptable est évidemment : non ! CQFD.

Vous comprenez bien avec tout ça qu'un intellectuel humanitaire (hum...) et solidaire (hum, hum...) ne peut pas perdre de temps à des broutilles : la souffrance de la petite bourgeoisie ? pfeuh ! soyons sérieux !...Elle ne représente après tout que la majorité de la population...

Non, les vrais sujets sont ailleurs:

La présente enquête porte sur les rapports intersubjectifs observés entre les agents exécutants d'un élevage industriel de P...et les animaux qu'ils élèvent, en l'occurrence des porcs.
Dans l'exécution de leurs tâches, les agents de l'élevage souffrent en majorité de symptômes discrets de la souffrance au travail (tels que des troubles cognitifs) mais aussi d'expressions psychopathologiques bruyantes (tels que des actes de violence...en particulier sur les porcs). Ce cadre clinique n'exclut pas la souffrance éthique, surtout depuis l'introduction récente de protocoles de travail visant à accroitre la productivité dans l'élevage porcin.
Dans l'élaboration de son rapport intersubjectif avec l'homme, on constate en revanche chez le porc une tendance apparente à l'indifférence. Les individus observés semblent manifester un égoïsme qu'on pourrait presque qualifier de "petit bourgeois" : ils s'alimentent aux heures réglementaires et ne révèlent aucune pointe de stress contrairement à ce qui est facilement décelable chez les agents.
En apparence seulement, car une observation plus précise s'appuyant sur des statistiques rigoureuses permet de détecter, en particulier chez les porcs les plus jeunes des troubles psychosomatiques marqués par la souffrance. Notre étude s'est attachée à démontrer ce point.....etc, etc,..etc... .

NDLR : Troublant non ? Il va de soi que ni le sort des agents d'exécution ni celui des porcs d'ailleurs ne préoccupe réellement notre clinicien intellectuel qui ne fait qu'accomplir ici une tâche professionnelle rémunérée. Pensez alors s'il concevrait de perdre du temps sur la souffrance d'un petit bourgeois. Las ! à la minute où il écrivait, quelques milliers de personnes faisaient office de fusibles ou se battaient pour ne pas l'être dans des projets pathologiques multidimensionnels. Mais nous le savons, ce n'est pas son problème.

CES SOUFFRANCES SANS INTERET...

Les travailleurs, en particulier les cadres et les techniciens, impliqués sur notre continent dans la conception, le développement et la réalisation de projets se comptent par millions. La grande majorité de ces personnes possède toutes les connaissances nécessaires à ses fonctions mais n'a aucun pouvoir réel de choix ou de décision. Comme nous l'avons déjà dit, la mode anti-taylorienne qui concède plus d'autonomie aux individus masque souvent une autre réalité de terrain : c'est que les dirigeants et les décisionnaires ne délèguent vraiment qu'une chose à leurs subordonnés : .....leurs propres responsabilités.

Cette population de travailleurs cumule donc un pouvoir limité de par son statut, et des responsabilités illimitées de par son éducation et ses capacités.

Un individu étudie pendant des années et pendant des années il travaille intensément dans une société pour un jour être impliqué dans un projet décidé, organisé et programmé par d'autres qui échoue ou ne tient pas ses objectifs.

Des naïfs pourraient penser que les chercheurs ès souffrance au travail devraient se pencher sérieusement sur la situation, mais nous le savons, mille sujets bien plus sérieux les appellent.

Alors pourquoi s'attarderaient-ils sur les océans de souffrance que des millions d'individus doivent supporter à cause de cette situation sur notre continent ? Pourquoi gaspilleraient-ils du temps et de l'énergie à étudier ceux que perd un cadre ou un technicien pour éviter d'être rendu responsable de décisions qu'il n'a jamais prises ?

Comment prétendre que des spécialistes de la “souffrance éthique” jettent ne serait-ce qu'un coup d'oeil aux renoncements et aux efforts qu'un cadre ou un technicien impliqué dans un projet mal né doit consentir, pour limiter les dégâts causés par des ordres qu'on lui a imposés, contre ce qu'il sait être un travail bien fait et donc contre lui-même ?

Et pour nos illustres chantres de ce nouveau filon qu'est le harcèlement moral, quelle hypothèse ridicule ce serait d'imaginer que mobbing et harcèlement prospèrent plus facilement dans les secteurs où le temps, l'argent et l'énergie sont le plus aisément gaspillés et que dans pas mal de cas ces manifestations ne sont que les sous-produits d'un phénomène bien plus vaste.

Comment demander sérieusement, enfin, aux spécialistes du management, troubadours du social-libéralisme de droite de gauche et de zigzag, qu'ils calculent un jour ce que coûtent aux entreprises et à l'économie en monnaie sonnante et trébuchante et en arrêts maladie courts ou prolongés les petites et grandes souffrances que des dirigeants d'opérette font subir à leurs subordonnés, de projets mal embouchés en projets foireux ?

Allons voyons, soyons sérieux ! Revenons à l'essentiel et ne nous égarons pas !

Quand Pinocchio arrive au pays des abeilles industrieuses, on lui enseigne le respect pour ceux qui travaillent. A voir les illustrations qui sont données dans nos contrées de l'épanouissement et de la dignité par le travail, on se demande s'il ne faudrait pas sérieusement réactualiser Pinocchio en couronnant d'oreilles d'âne les candides qui continuent à prendre la vie au sérieux et en couvrant de récompenses et de sollicitude les pantins.

UNE EXCEPTION CULTURELLE : LES SURFEURS

On nous dira que nous exagérons et que tout n'est pas si dramatique au pays des petits bourgeois. C'est vrai, nous le reconnaissons : il existe une catégorie transversale allant du manoeuvre au grand dirigeant, en passant par la masse des cadres et des techniciens, qui sait avec brio et légèreté se tirer d'affaire en toutes circonstances : ce sont les “surfeurs”.

Ces individus, confrontés à une cataracte de gaspillages, de désastres et d'échecs sortent du bourbier parés d'habits secs impeccablement repassés et sans la moindre tâche. Comment font-ils ? mystère ! tout ce qu'on peut dire est qu'ils existent. Chacun de nous en a rencontrés, même si aucun signe ne permet d'en détecter la présence au premier abord....sauf bien sûr dans un cas particulier

Vous êtes noyé sous des dossiers de travail gargantuesques, piégé dans des programmes à rallonge, et empêtré sous des montagnes de procédures de tests et de tâches incompatibles et incohérentes entre elles, avec un chef qui vous explique que vous auriez dû terminer avant-hier un travail qu'il vous a confié hier matin et déprogrammé hier soir.
Vous entendez au même moment un(e) collègue devant la machine à café déblatérer longuement sur l'inefficacité ou l'inutilité des autres, se vanter en passant de travailler pour le plaisir et non pour des raisons alimentaires (NDLR : contrairement aux ploucs qui l'entourent), s'attarder sur le temps passé à superviser de loin des bataillons de consultants, puis s'esclaffer bruyamment dans le couloir au sujet de préservatifs retrouvés dans les toilettes de la Direction Générale.
Vous le voyez ensuite passer la tête dans votre bureau et d'un air mi-dégoûté mi-sévère, il vous demande : "mais enfin, quelle est exactement ta valeur ajoutée dans notre société ?"

Ne réagissez pas inconsidérément à ces propos ; éprouvez au contraire une intime et intense satisfaction parce que vous venez de découvrir VOTRE SURFEUR !

C'est un fait, le surfeur ne commet jamais d'erreurs qu'à cause des idiots qui l'entourent. Las ! il arrive parfois aussi aux surfeurs, passés maîtres dans l'art de décharger leur travail et leurs responsabilités sur les autres, de tomber dans les pièges tendus en général à leurs voisins. On les verra alors s'indigner de leur mésaventure et s'ériger en victimes pareils à ce personnage de la Zizanie d'Astérix qui s'exclame offensé :“Me soupçonner, moi qui ai dénoncé tout le monde?!”

Dans le cas du harcèlement moral des cadres, on observe ainsi à l'occasion que les victimes d'aujourd'hui ont souvent été des bourreaux harceleurs hier. On songe au premier abord qu'ils l'ont bien mérité... Une analyse plus approfondie devrait pourtant y voir clairement les comportements pervers créés par une organisation du travail pathologique à souhait.

SOCIETE SAINE ET SOCIETE MALADE

Tout ce qui précède pourrait suggérer que nous sommes des défenseurs obstinés de la petite bourgeoisie dans une version revisitée de la lutte des classes. Il n'en est rien.

Les frontières entre les différentes classes de la société sont en fait bien loin d'être aussi rigides que les intellectuels de la pensée unique amidonnée “progressisto-conservateurs” le pensent ou l'exigent. Entre un ouvr...pardon ! un “opérateur”, un technicien ou un ingénieur il y a dans les faits des différences souvent mobiles et nuancées.

C'est bel et bien la pensée dominante qui, en partant d'un substrat idéologique commun, impose des barrières théoriques rigides entre les différentes classes de la société et décerne entre toutes le mauvais rôle à la petite bourgeoisie. Mais ce n'est pas un hasard si les intellectuels conventionnés, attachés à l'ordre social et représentants fidèles de l'idéologie dominante préfèrent s'attaquer à cette classe : ils la soupçonnent d'être “éduquée” et donc potentiellement plus susceptible de s'interroger sur le vent qu'ils débitent au rabais et sans frais (pour eux) à longueur d'année.

Dans une société saine on s'efforce de confier à chacun les tâches dans lesquelles il réussit le mieux ; c'est dans une société malade que l'on crée toutes sortes de divisions, d'obstacles ou de barrages qui conduisent à compliquer la vie aux gens, au détriment de l'épanouissement et de l'efficacité.

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