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Postscriptum n°28 - Nouveau pot-pourri : une société démocratique, libérale et esclavagiste

Quand on aborde de nouveaux sujets, on se rend compte parfois non seulement de ne pas avoir tout dit, mais aussi d’avoir survolé l’essentiel, ou pas assez insisté dessus. Cette nouvelle page sert à aborder différents points non couverts précédemment.

Une société esclavagiste

Dans les dernières années, en France comme en Italie, il est arrivé de plus en plus souvent que des financiers avisés à la tête de sociétés multinationales décident de cesser leurs activités dans ces pays pour les transférer dans d’autres pays, afin de maximiser leurs profits.

Il nous semble intéressant de nous pencher sur la situation des travailleurs du privé employés dans ces activités, dans de tels cas.

Pour commencer, il faut constater l’inefficacité totale des armes utilisées par les travailleurs du privé dans ces situations, ou des ripostes que les Etats concernés pourraient utiliser théoriquement, afin de contraindre les décideurs à renoncer à la fermeture : les activités concernées étant par nature transfrontières et internationales, il est très facile à ces financiers d’aller poser leurs valises ailleurs en cas de petites gênes occasionnées dans nos contrées.

Les travailleurs du privé sont donc purement et simplement à la merci des financiers et il n’existe désormais plus aucun équilibre entre les pouvoirs ridicules des uns et la puissance des autres.

Pendant la campagne présidentielle de 2017, le groupe Whirlpool a décidé de transférer ses activités de la France vers la Pologne, dans le but de maximiser ses profits. Le candidat Emmanuel Macron lui-même, en campagne sur les lieux, a exhorté les ouvriers qui protestaient et réclamaient une intervention de l’Etat contre cette société, à renoncer à ces propos, en expliquant qu’ils n’auraient eu comme seul et unique résultat que d’éloigner les financiers de France. Et il invitait ces mêmes ouvriers à rechercher des stages leur permettant une réinsertion dans le monde du travail. Autrement dit, ils devaient s’adapter et satisfaire les besoins de la Finance. CQFD.

Certains organismes émirent par ailleurs à cette même occasion l’hypothèse d’une action contre la Pologne dans le cadre de l’Union Européenne, hypothèse qui a fait long feu au final. Re CQFD.

Une fois admise la puissance et l’impunité totales de ces financiers lorsqu’ils décident de mettre sur le carreau des centaines, voire des milliers d’ouvriers, sans aucune riposte possible de qui que ce soit, tout ce que l’on peut admettre, comme bien piètre contrepartie, c’est que dans de tels cas, l’Etat peut prévoir des dispositions appropriées pour fournir aux chômeurs des fonds leur permettant de subvenir à leurs besoins, en l’absence d’indemnités versées par la société "sortante".

Economiquement parlant, ces fonds étant publics, ils sont tirés, en tout ou partie, directement ou indirectement des poches d’autres travailleurs, qui sont eux-mêmes tout aussi susceptibles de perdre leur emploi dans les mêmes conditions.

La conclusion tragicomique que l’on peut tirer de tout ceci est qu’on demande au final à des travailleurs potentiellement futures victimes de tels processus, d'assumer le fardeau du soutien à d'autres travailleurs, déjà victimes de ces mêmes processus.

Rien, absolument rien n’est exigé du financier avisé qui a créé cette situation, fastidieux détail dont il ne se soucie d’ailleurs pas le moins du monde.

Dans une autre page, nous avons écrit et nous le répétons ici (mais faut-il le répéter ?) que le chômage génère d’énormes souffrances et conduit parfois au suicide, de façon tragique.

On ne peut donc que s’émerveiller de la souveraine indifférence dont font preuve nos élites devant cette marée montante de souffrances provoquées par de tels processus.

De nos jours, il est presque plus facile d’entendre parler des souffrances endurées par les porcs ou les poulets, du fait de conditions d’élevages "inhumaines", et des lois votées pour atténuer la souffrance animale, que des souffrances qu’ont à subir des millions de travailleurs, du fait de l’arbitraire de financiers ne poursuivant qu’un seul but, concentrés sur un seul et unique objectif : la maximisation de leurs profits.

La Suisse, par exemple, a interdit récemment la pratique culinaire qui consiste à plonger les homards vivants dans l’eau bouillante. Nous ne pouvons que nous féliciter des efforts faits par nos élites pour le bien-être des homards, et ne verrions aucun mal à ce que, dans cet élan de solidarité, elles s’intéressent aussi, pourquoi pas, aux souffrances des crevettes ou des moules, s’il le faut. Mais comment expliquer cette obstination à fermer les yeux sur les souffrances qu’elles imposent à des êtres humains ?

Comment est-il possible de concevoir dans une société d’hommes libres, que des tiers puissent seuls avoir le droit irrécusable de disposer ou de mettre à l’encan d’autres hommes, sans aucune possibilité pour ces derniers de s’y opposer. Un tel phénomène ne peut s’observer que dans une société esclavagiste.

On peut faire preuve d’humanité, de compréhension, voire même de générosité envers un esclave, mais pour autant, il restera toujours un esclave.

Ce qui différencie un esclave d’un être libre est la LIBERTE. Quand on est obligé de subir sans aucune réelle défense, la volonté de tiers, poussé par le besoin (l’épée de Damoclès du chômage qui menace) ou contraint par la force brute, on n’est pas libre. La condition dans laquelle on se trouve porte un nom, qu’elle prenne une forme ancienne ou moderne, ce nom est l’esclavage.

Il ne faut pas croire pour autant que les esclaves aient été toujours considérés comme de simples marchandises. Dans son Histoire des musulmans de Sicile, l’historien Michele AMARI indique que Mahomet considérait comme passible de la peine de mort un maître qui tuait son esclave. Et chose encore plus surprenante, le prophète envisageait la possibilité pour un esclave de se racheter à son maître par le moyen de son travail, ce qui laisse supposer qu’il accordait aux esclaves un "droit au salaire".

Si, d’un côté, les esclaves qui travaillaient dans les mines ou les plantations étaient considérés comme de purs produits de consommation, et si leur courte vie n’était qu’un pur enfer, d’un autre côté, d’autres esclaves pouvaient jouir d’un genre de vie bien meilleur que celui de certains travailleurs contemporains du privé.

Dans une société d’hommes libres, il devrait toujours y avoir, dans les relations entre les individus, la possibilité instituée par la loi, de résister à quiconque tenterait de disposer librement de son prochain, comme le font en toute liberté et impunité les financiers qui nous gouvernent aujourd’hui de fait.

Le déséquilibre de pouvoir évident qui s’est instauré entre la finance et les travailleurs du privé et les souffrances de ces derniers causées par des décisions sans appel de la finance internationale sont la marque pure et simple d’une société esclavagiste, et dans le cas du monde occidental, d’une société démocratique (ou du moins faut-il le supposer), libérale et esclavagiste.

Cette situation qui nous paraît évidente est tout aussi évidemment ignorée par les mass media et les élites de droite, de centre, de gauche et de zigzag.

Etant donné qu’une juste modestie nous impose de ne pas nous considérer comme les inventeurs ou les découvreurs d’un phénomène aussi évident et aussi criant, nous devons nous rendre à l’évidence et considérer comme une hypothèse solidement fondée que les mass media, comme les élites, tout en étant parfaitement conscients de ces faits, les ignorent officiellement : nous sommes donc en présence d’une société humaine, libérale, démocratique et esclavagiste, dans laquelle règne souverainement…une parfaite hypocrisie.

Nous voilà donc de nouveau dans la situation de l’enfant qui voyant passer le roi, dit tout haut qu’il est nu.

Si les premières des victimes qui subissent ce phénomène ne le perçoivent pas dans son entièreté et ne peuvent pas en prendre conscience, c’est qu’il est tellement gros, qu’ils n’en perçoivent que les conséquences sur leurs vies, comme un homme qui ne verrait qu’une partie d’un éléphant, tellement la bête est monstrueusement énorme. Sinon, ils comprendraient aussi (soit dit en passant) les raisons de l’esclavagisme et des atteintes aux droits de l’homme dont on leur rebâchent les oreilles à longueur de journée au sujet de lointaines contrées, et qui ne sont en fait qu’un écho lointain et sous d’autres formes de l’esclavagisme qu’ils subissent eux-mêmes "hic et nunc".

Ceux qui au contraire sont perchés si haut dans la hiérarchie sociale, qu’ils arrivent à percevoir la courbure terrestre, ceux-là n’ont aucun mal à distinguer clairement les contours de la bête et à comprendre et piloter un phénomène dont ils sont les maîtres.

Laissons donc de côté pour un instant nos élites et nos mass médias consacrer une partie de leur temps à de longues commémorations sur les lointaines et horribles époques qui ont vu l’humanité pratiquer la traite, ou donner des leçons "droits de l’hommiste" à d’autres pays, à grands effets de manches, pour éviter d’avoir à se pencher sur les atteintes criantes à ces droits qui ont lieux dans les pays qu’ils gouvernent ; et intéressons-nous maintenant à des problèmes sérieux et on ne peut plus actuels qui concernent cette nouvelle forme d’esclavagisme bien de chez nous.

La recherche du profit maximum

La recherche du profit maximum n’est pas une spécificité des "hommes de la finance" ; elle est largement pratiquée par les pauvres quidams petits bourgeois que nous sommes et par une grande partie des citoyens.

Si l’homme du peuple dans sa vie quotidienne est très loin d’obtenir le profit maximum par ses actions, cela est bien plus dû à ses manques ou à son incapacité qu’à un hypothétique comportement vertueux.

Nous faisons l’hypothèse que cette recherche du profit maximum est (hypothèse réductrice) à la base de notre civilisation actuelle.

La différence entre un citoyen lambda et un bon financier réside dans le fait que le citoyen lambda cherche, tandis que le bon financier cherche et trouve.

Si les élites ne font rien contre ce phénomène (et parfois font même bien pire), c’est tout simplement qu’elles n’éprouvent aucune envie de lutter contre les moulins à vents ou de se sacrifier pour de misérables esclaves petits bourgeois du privé.

Dans ce genre d’affaire, d’ailleurs, dans la catégorie "pire que les grands chefs", il y a bien souvent les petits exécutants, souvent des gens comme nous, qui "font leur devoir" avec zèle et désirent, comme chacun de nous, "mériter le pain qu’ils gagnent", fut-ce au prix des énormes souffrances qu’ils infligent à leur prochain ou à leurs subordonnés.

Mais les "pires des pires que tout", les vrais coupables dans cette affaire, sont encore et surtout les "pseudos" intellectuels, qui mêlant le servilisme envers les puissants et le mépris raciste envers le peuple, à quelque autre ignoble trait de caractère, savent et se taisent.

Dans les questions qui concernent les coutumes et la civilisation, ce sont les intellectuels qui devraient intervenir, comme en ont témoigné de grandes figures intellectuelles du passé.

Ce sont donc précisément ces intellectuels au rabais, que nous devons subir au quotidien, et qui désormais ne font plus office que de speakerines bon ton de pacotille et de caniches serviles du vrai pouvoir, qui sont les vrais coupables et les vrais responsables, par omission.

Quand on compare notre situation actuelle à celle du passé sur ce sujet, on doit se poser cette question : l’humanité aurait-elle vraiment pu se passer de la traite d’êtres humains, et de l’utilisation d’esclaves ?

Au stade de nos connaissances, nous sommes incapables de dire si l’abolition de la traite et de l’usage légal d’esclaves, auxquels nous consacrons tant de commémorations, a été réellement plus liée à l’action de personnes vertueuses, qu’aux changements de mœurs, de pratiques et de coutumes générés par la seule évolution du monde.

Tout ce qu’on peut dire, c’est que dans ces temps-là, comme aujourd’hui, se battre et chercher par tous les moyens à combattre l’esclavagisme, quelle que soit la forme qu’il puisse prendre dans notre société, était et reste un devoir précis de chaque être humain.

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